Evangeline & Judy
Back to black

Bien des mois avaient passé depuis le début de la contamination. Malgré ce tragique épisode de l’histoire de l’humanité, la vie semblait reprendre son cours, du moins un semblant de vie. Depuis qu’elle avait rejoins l’Heaven’s Land et plus particulièrement le gouvernement, la vie d’avant le drame n’avait pas tellement changé pour Evangeline. Elle avait retrouvé son emploi de médecin légiste sauf que là elle ne travaillait plus avec la police de New York, elle avait cette fois des comptes à rendre au gouvernement lui-même. Ce qu’il fallait l’avouer était parfois un peu moins sympathique quand même. Enfermée dans sa salle d’autopsie, la jeune femme étudiait le corps allongé sur la table. Un ancien cobaye qui, pour une raison inconnue, n’avait pas supporté les batteries de test effectuées depuis plusieurs mois. Le médecin était assis sur le rebord d’un plan de travail. La tête posée sur ses mains, Evangeline n’arrivait pas à détacher le regard du corps posé sur la table. Pourquoi était il mort ? Une overdose ? Non Evangeline avait donné tous les prélèvements possibles et imaginables. Les résultats lui étaient parvenus ce matin, le compte rendu du labo était posé à côté d’elle. Toutes les doses de médicaments et autres avaient été respectées au milligramme près. Aucune erreur ne pouvait être possible. Comment avait il pu mourir ? Les cobayes étaient étudiés 24 heures sur 24. Leurs signaux vitaux, cardiaque, encéphalogramme, tension artérielle, tout y passait. La mort subite de ces cobayes était quelque chose de bien mystérieux et encore plus le pourquoi ils résistaient aux morsures des morts. C’était quand même bien dommage de survivre à la transformation en zombie pour finalement décéder dans les laboratoires du gouvernement. Comme quoi quand c’est pas ton heure, c’est pas ton heure. Bon ce n’était pas une réflexion appropriée de la part d’un médecin mais arrivé à un certain stade, la science finit par atteindre ses limites.

Evangeline attrapa le dossier du cobaye et replongea dans sa lecture, elle finirait par trouver une solution, elle était là pas loin. La jeune femme ne leva pas une seule fois la tête du dossier jusqu’à ce qu’une infirmière entra dans la salle d’autopsie. Evangeline posa alors ses yeux sur la très jeune fille, elle ne devait pas avoir plus de 20 ans. Elle semblait très mal à l’aise, la vue du corps inerte sur la table au centre de la pièce. La blancheur immaculée de la pièce semblait inappropriée dans cette salle de la mort. Le sang sur les gants et les instruments était en parfaite contradiction avec le reste de la pièce. L’infirmière expliqua la raison de sa venue dans la morgue des laboratoires du gouvernement. Il n’y avait pas assez de médecins pour s’occuper de tous les cobayes ce jour là. Tous les médecins devaient alors s’occuper d’un cobaye. Evangeline répliqua que son métier était de s’occuper des morts et non des vivants. Elle ne pouvait pas laisser son « patient » attendre, il était là avant le cobaye qu’elle devait voir. Une façon de dire qu’elle était déjà occupée et qu’elle ne tenait pas spécialement à aller s’occuper de quelqu’un d’autre. Cependant l’infirmière refusa de partir, apparemment la direction s’attendait à ce que ceux qui avaient la tête dans les éprouvettes ou dans les corps refuseraient de suivre les ordres. La jeune fille lui avoua qu’elle n’avait pas le choix. Evangeline soupira, ne pouvant pas résoudre son cas tranquillement. Elle posa son dossier en cours sur le plan de travail et descendit de celui-ci. Elle retira son tablier tâché de sang et se lava les mains. Elle sortit avec l’infirmière qui la suivait.

Remontant petit à petit les étages pour se retrouver dans les couloirs des laboratoires. Ici allaient et venaient sans cesse de nombreux biologistes, chimistes, médecins et autres corps médicales et scientifiques. Evangeline avait toujours l’impression de voir une colonie de fourmis s’activer dans tous les sens pour répondre aux besoins exigeants de la reine. A son étage, Evangeline était beaucoup plus tranquille. Même si elle devait comprendre pourquoi certains mourraient, ceux là n’allaient pas mourir deux fois. Evangeline alla voir le chef des médecins et lui expliqua ce que l’infirmière lui avait dit. Non pas pour se plaindre, elle s’était résignée à devoir s’occuper de quelqu’un de vivant pour une journée, elle voulait savoir quelle personne elle devrait aller voir. Le médecin lui tendit un dossier, dortoir numéro 7. Evangeline traversa alors les nombreux couloirs pour se rendre aux dortoirs. Les salles et les portes défilaient, un véritable labyrinthe. Tout avait été prévu, calculé, pour qu’en cas d’évasion, le cobaye s’y perde et se fasse repérer par quelqu’un. En chemin, le médecin jeta un coup d’œil au dossier médical de son sujet. Une femme, 22 ans, de groupe sanguin O. Mordue comme tous les autres, il fallait savoir pourquoi. Ce qui choqua Evangeline c’était le fait qu’elle ne trouve rien sur le nom du cobaye. Il n’était plus qu’un numéro. Quand ils arrivaient chez elle, Evangeline comprenait très bien qu’elle n’avait pas besoin de connaitre le nom de la victime, juste de savoir pourquoi il était passé par la case morgue. Mais là quand même, c’était un peu étrange… Mais qu’importait elle, Evangeline se dépêcherait de faire la batterie de test pour ensuite retourner celui qui l’attendait bien sagement dans sa chambre froide. Arrivée devant la porte numéro 7, Evangeline frappa à la porte, réflexe qu’elle avait pris durant ses stages en hôpitaux, et entra ensuite dans la chambre. La jeune fille décrite dans le dossier était là, se doutant certainement les évènements qui allaient suivre. Evangeline prit alors la parole, d’une voix posée et rassurante.

« Bonjour, je suis le docteur Harper. C’est moi qui vais m’occuper de vous. Comment vous sentez vous aujourd’hui ? »

code by stitch

L'enfer. Voilà ce que vivait la jeune Judy depuis quelques mois maintenant. Après avoir survécu à la morsure d'un mort, elle avait réussi à vivre seule dans l'appartement de son père durant plusieurs jours. Elle avait décidé, suite à une annonce faite par le gouvernement à la radio, de rejoindre un camp de réfugier qui promettait un abri sûr et à manger à volonté. Elle y avait cru et n'avait pas pensé pendant une seule seconde aux conséquences. En effet, les militaires qui s'occupaient de l'entrée, avaient bien remarqué la drôle de morsure cicatrisée qu'elle avait à son poignet. Elle avait été emmené dans les laboratoires et depuis ce jour, elle n'en était jamais ressortie. Elle avait fait une grave erreur, elle était devenu un cobaye de laboratoire, elle subissait des batteries de tests à longueur de journée. Elle se sentait terriblement seule, ce qu'elle voulait c'était pouvoir s'enfuir loin d'ici et retrouver sa liberté, son père. Elle y pensait de plus en plus, et le silence pesant ne faisait rien pour arranger les choses, un jour ou l'autre, elle finirait par littéralement péter les plombs et réussirait bien à sortir de ce labyrinthe. Elle n'avait plus revu la lumière du jour depuis un bon nombre de temps, il était de plus en plus rare qu'il la laisse sortir. En réalité, Judy faisait partie des cobayes les plus suivis. Quand ils en tuaient un à cause des tests, c'était un autre qui venait prendre le relais. Elle devait sortir et au plus vite si elle ne voulait pas, elle aussi à son tour mourir.

Comme tous les jours, on emmena Judy hors de sa « cellule » pour qu'elle se rende dans le local numéro sept. Il était devenu son local, celui qui lui était attribué, elle y passait ses après-midi pour suivre les soins médicaux. Elle avait été accompagné de deux hommes pour l'accompagner, elle ne pouvait pas s'échapper. Elle avait l'impression d'être en prison et qu'elle était une meurtrière à abattre aux moindres faits et gestes. À vrai dire, la jeune femme n'était plus grand-chose dans ces lieux, elle était un cobaye et rien d'autre, son prénom importait peu, elle n'était plus une humaine, elle était morte et pouvait contaminer tout le monde. Il y avait une part de vérité là-dedans, la jeune femme avait réussi à filtrer quelques informations, elle donnait l'impression aux médecins qu'elle ne faisait attention à rien et qu'elle était une frêle jeune femme silencieuse, mais au fond, la demoiselle faisait attention aux moindres discussions. Ainsi, elle avait récolté quelques informations au sujet de la santé des cobayes, elle savait par exemple, qu'elle pouvait transmettre le virus par la salive ou en mordant quelqu'un.

Au loin, des pas se faisaient entendre et se rapprochaient, jusqu'à s'arrêter devant la porte de son local. Avant que celle-ci s'ouvre, on frappa. C'était quelque chose que les gens ne se permettaient plus vraiment ici. Judy n'avait plus eu à faire à une telle politesse depuis bien longtemps. La jeune femme se trouvait assise sur une table d'auscultation, regardant arriver une jeune femme élégante qu'elle voyait pour la première fois avec son dossier dans les mains. « Bonjour, je suis le docteur Harper. C’est moi qui vais m’occuper de vous. Comment vous sentez vous aujourd’hui ? » Judy prit quelques secondes pour réfléchir à la question que venait de lui poser ce nouveau médecin. Après réflexion, la jeune femme se lança, « Comme un rat en cage ». La demoiselle avait vu tellement de médecin pour s'occuper d'elle, tous identiques les uns aux autres. C'était bien la première fois qu'on lui posait la question de cette façon. Judy reprit, « Un rat en bonne santé ».