carte d'identité

PRÉNOMS & NOM ☣ Annabel "Annie" Jane Finch DATE DE NAISSANCE, ÂGE ☣ 17 Mars 1994 ; 20 ans LIEU DE NAISSANCE ☣ Minneapolis, Minnesota GROUPE SANGUIN ☣ B+ SON AVIS SUR LE GOUVERNEMENT ☣ Inquiète, à tendance furieuse STATUT & ORIENTATION SEXUELLE ☣ Célibataire & hétérosexuelle ORIGINES ☣ Américaines ANCIEN EMPLOI ☣ Etudiante EMPLOI ACTUEL ☣ Aucun, elle arrive juste. GROUPE ☣ Nomade PV/PI/SC ? ☣ PI

histoire & caractère

Un bébé en plus dans une maison trop vide. Mes parents avaient déjà trois voitures, un voilier, quelques comptes épargne bien remplis et une petite fille. Il leur en fallut une autre, et ils arrêtèrent là. Je ne peux pas dire que je sois mécontente de leur décision … Je ne serais pas là, sinon. Ils avaient des plans pour nous, des plans sur la comète – mais ça n’était pas leur faute ; personne ne pensait réellement à une invasion de morts-vivants. Mais nous y reviendrons plus tard.

Je suis née en mars 1994. Ils m’ont appelée Annabel, en l’honneur de personne, nom un peu trop sérieux pour une gamine. Je suis vite devenue Annie, et je le suis resté. Annabel aurait pu être cette fille de trente ans, célèbre chirurgienne, qui sauvait des vies avant de rentrer dans sa maison au bord de l’océan – ou d’un lac, je n’avais jamais vraiment décidé – pour retrouver son mari parfait. Annie était juste celle qui essayait d’arriver à tout ça, mais qui s’est vue interrompue en chemin. Des fois, je pense à Annabel, et je la salue de la main. Elle et moi, je suis pas sûre qu’on aurait fait bon ménage, finalement. De toute façon, c’est trop tard.

J’ai grandi sans problèmes. J’étais plutôt sage, comme des millions de gamines. J’étais un peu potelée, j’étais sûre de moi, j’étais obstinée. Je ne regardais pas encore douze fois par-dessus mon épaule avant de sursauter, les nerfs en boule, comme maintenant.

En mars 1996, j’étais une petite fille qui marchait bien. Je voyais mes grands-parents pour Thanksgiving, ma nourrice toute la journée et mes géniteurs le soir ; ils surveillaient mes progrès avec attention. Nous habitions dans un duplex de Minneapolis. Mon père avait intégré une sorte de sens aigu des affaires qu’il avait intériorisé : parmi ses règles, le respect des origines et de la famille. Les origines de la famille, c’était cet état sans fin et des forêts touffues dans lesquelles nous nous perdrions bientôt avec joie.

Ma famille n’avait rien de très intéressant ; elle n’a toujours rien aujourd’hui, si ce n’est qu’elle est sûrement morte. Ils étaient aisés, à tendance riche avec les générations, et suffoquaient de leur propre importance. J’ai moi aussi été une peste arrogante, sûrement. J’ai du mal à m’en souvenir maintenant. Ça n’a plus tellement d’importance. Ce qui en a, c’est que je suis en vie, et que je compte le rester. »


Deux petites filles en classe un été. L’été, c’est juste plus de temps pour prendre de l’avance en termes d’Ivy League, entre deux séjours à Martha’s Vineyard. On n’obtient rien sans rien, et les deux fillettes ont vite intégré la donnée « travaille ». Elles ont des projets, et on en a pour elles. De prestigieuses universités, les meilleures vies que ce monde a à offrir. Elles l’ignorent pourtant, enfants pressées, obsédées par le futur. Elles sont jeunes encore, mais on leur a déjà appris que le meilleur est à venir et que pour l’obtenir, il va falloir se battre. A huit ans, Annie sait déjà que les gens mettront la Terre à ses pieds si elle se bat pout l’avoir. Ce qu’elle fait avec acharnement, pour arracher des sourires de fierté à ses parents, pour les manches gagnées contre Olivia, dans cette éternelle course pour être celle qui remportera le plus. Elle ignore si c’est vraiment sérieux. Elle ne s’en soucie pas. Ses parents sont suffisamment intelligents pour la pousser à tracer son propre chemin, plutôt que de suivre celui que sa sœur lui aurait frayé. Elle l’adore, elle l’admire, et elle sait qu’elle peut faire mieux … Étrange relation ambigüe qui est celle d’une rivalité sans fin, alors même qu’en vérité, c’est elles contre le monde, car qui d’autre peut mieux comprendre les éclats de voix et les soirées seules devant la TV que celle qui les partage ?

Annie grandit. Elle fait de la natation, du lacrosse, de la course de fond, du ski, elle encadre des évènements de charité, elle va à la soupe populaire et se dévoue de part en part, ignorant le douloureux sentiment de n’être rien qu’un but. Une boule de nerfs géante, à vrai dire, mais elle dompte ses sentiments : qui et quoi qu’elle soit, ce n’est que temporaire. Elle sera chirurgienne, elle sauvera des vies, et sentira peut-être le vent sur son visage sans se dire qu’il va éparpiller ses cahiers. Ou alors elle ne sera qu’une parmi des millions et ira se perdre sur le Kilimanjaro avant de retourner au Pérou – plus le temps passe, plus ses anciennes ambitions lui paraissent dépourvues de tout sens. Elle se cherche. Elle se trouve.


Trois heures, c’est le temps qu’il m’avait fallu pour tomber amoureuse de ce type. Les cheveux en bataille, sa chemise d’uniforme dépassant sur son pantalon. J’étais assez lucide pour réaliser qu’il n’était qu’un gamin comme les autres, se donnant un genre, et assez retournée pour décider que je m’en fichais. Sa bouche avait goût de terre, comme un aller-retour instantané dans des pays lointains. Nous passions des heures dans une voiture, derrière une grange, sous un arbre, à nous embrasser sans réfléchir, à ignorer tout du monde.

Chassez le naturel, il revient au galop. Ce qui m’avait plus chez lui m’inquiétait maintenant, et notre relation prit fin dans un torrent d’insultes que j’oubliais en me replongeant dans mes applications pour l’université. Qu’importe, j’avais connu les premières émotions, je me sentais moins stupide. J’étais toujours une dinde dans le corps d’une fille empotée, mais je me sentais fée, princesse et reine des neiges.

Olivia partit. Elle quitta la maison doucement, carton par carton, vacances par vacances, instaurant l’idée d’une nouvelle maison pour elle, une nouvelle maison sans nous, assez doucement pour qu’elle fasse son chemin. Elle partit, et je me retrouvai seule pour la première fois, savourant les pièces vides et l’immensité de ce que j’avais à ma portée. Un bunker, vraiment, une maison carrée hideuse qu’un décorateur avait suggérée. De l’art moderne en béton, qui nous donnait l’impression d’être un peu protégés de la forêt environnante. Je me perdais dans la forêt, entre deux examens, pour réviser sans entendre le tic-tac angoissant de la pendule qui me rappelait combien ma vie filait. Je serais archéologue ; je me plongeais dans l’histoire des heures durant, rejouant les scènes historiques des premiers jours dans le théâtre de ma tête. J’étais bien stupide, alors. »

Quatre billets d’avion jetés à la poubelle une fois utilisés. Elle ne se souciait pas trop des coups de transport et militait distraitement pour l’écologie avec l’œil distrait de ceux qui peuvent se le permettre. Annie avait intégré Yale University, enfin, à l’automne. Un billet pour aller à New Heaven, un autre pour retourner dans le Minnesota pour Thanksgiving, le dernier de sa vie, le dernier de son monde. Ses grands-parents étaient fatigués, elle le voyait pleinement maintenant. Eux qui avaient été grandioses, qui étaient imposants, intimidants de leur expérience et de leurs convictions, n’étaient maintenant plus que l’ombre d’eux-mêmes, ridés et ratatinés. Ses parents eux-mêmes semblaient fatigués de vivre, comme une lassitude générale. Peut-être qu’elle les éclipsait juste de sa joie, forte de sa jeunesse. Elle était jeune, jolie, elle avait ce qu’elle avait toujours voulu avoir et bien plus encore. Qui pourrait concurrencer ceux qui conquièrent le monde ?

Elle quitta Yale avec une petite valise et n’y revint pas. C’était Noël, le temps des chants, de la famille et des décorations impeccables. Elle trépignait, ennuyée par la neige et le mauvais temps, agacée par les arbres, ne rêvant que de repartir.


Cinq , le nombre de semaines qu’il faudrait pour que mon monde s’écroule et que rien ne soit plus jamais pareil.

rapport d'incident

Il paraît que lors d’une invasion de zombies, les riches et les sportifs ont le plus de chances de survie. Pas les chasseurs, parce qu’ils prennent plein de risques stupides, ni les obèses qui ne peuvent pas courir … C’est ce que j’avais vu dans un film que Luke, mon petit ami de l’époque, m’avait emmenée voir en … Je ne me rappelle plus la date. Peu importe, c’était avant l’invasion, l’épidémie, avant que la planète ne se décide à rayer toute la civilisation humaine de sa surface et que ma vie ne parte sérieusement en couille. Bref. Ce qui importe, c’est que j’appartenais aux deux premières catégories, et que donc, j’étais toujours vivante.
J’étais chez moi, dans le Minnesota, quand les choses ont commencé. Un joli petit Noël à la maison, à l’occasion de ma première année de fac. Bien sûr, je n’y suis jamais retournée – ce qui m’a sûrement sauvé la vie : quand est venu le moment de réintégrer mon appartement sur le campus de New Heaven, j’avais déjà aperçu mon premier Mort.

Mon père n’est pas le genre de personne à prendre des risques quand il s’agit de sa famille. C’est un investisseur, il à l’ œil pour ce qui est sûr et sait quand une solution s’apparente à tenter le diable. Il avait décrété le cube bétonné qui nous sert de maison « endroit sûr ». Il avait probablement raison, puisque nous y avons survécu pendant près d’un an.
Pas de sorties de nuit. Pas de sorties de jour, à l’exception des expéditions dans les supermarchés organisées de façon régulière – auxquelles je n’étais de toute façon pas autorisée à participer jusqu’à ce que Jason, le fils des voisins qui partageaient notre cave, ne se fasse bouffer. Exécuté immédiatement, sous les yeux de sa sœur. Elle-même mordue et neutralisée la semaine d’après.

Les Morts ne venaient que peu dans notre coin perdu. Trop de forêt, pas assez de nourriture. Comprendre « pas assez d’humains ». Les avantages de vivre dans un trou perdu pour satisfaire les rêves de tranquillité de ma famille se montraient enfin. Fenêtres condamnées, toute activité pas assez discrète proscrite. J’ai maigri, perdu du poids. Pire encore, j’ai perdu toutes mes illusions.

J’ai d’abord cru que tout cela ne serait que passager. Comme dans les films, le gouvernement, l’armée, finiraient par trouver une solution et nous rapatrier. La vie reprendrait comme avant. J’obtiendrais un diplôme de médecine, ma sœur coincée du côté de Philadelphia nous rejoindrait et peu à peu, le cauchemar s’effacerait. Les jours ont passé, puis les semaines et les mois. On m’a donné une batte de baseball pour que je puisse me défendre et rien ne semblait reprendre comme avant. Pas de gouvernement, pas d’armée. Et puisqu’Ils chassaient les humains, nous étions de moins en moins humains. Sales, puants. Perdant tous leurs réflexes pour survivre dans une jungle meurtrière. Brutaux. Plus nus et plus vrais sous la crasse que sous leurs déguisements d’être civilisés. Pas de pitié. Mon cher Papa, qui avait tant fait pour nous sauver, m’abattrait d’une balle dans la tête s’il soupçonnait une morsure. Pis que tout, ils avaient abandonné ma sœur.

Olivia était journaliste à Philadelphie. Elle aurait dû rentrer à la maison pour Noël, mais avait finalement décidé de rester – on lui proposait une chouette couverture d’évènement, elle serait payée double et y voyait le moyen de faire ses preuves pour récupérer du gallon. Nous l’avions eue au téléphone avant que toutes les lignes ne soient coupées : c’était elle qui nous avait convaincus que la menace était sérieuse. Et puis l’obscurité avait tout envahi, et son téléphone ne faisait que grésiller alors que le nôtre perdait sa dernière tonalité. Elle était vivante, j’en étais sûre. On ne survivait pas à vingt-trois années de repas familiaux chez les Finch sans une sacrée dose de combattivité et d’acharnement. Olivia était vivante, quelque part, et nous n’avions aucun moyen de la contacter. La rejoindre était hors de question : « si tu sors, tu es mort. »

Quand la VHF relaya la nouvelle de la construction d’une zone saine à Washington, les choses devint claires. C’est là qu’elle était, forcément. Mais notre mur infranchissable de force et de survie commençait à se fissurer, et Olivia devint bientôt le dernier de nos soucis. De mes soucis, devrais-je dire, parce que désormais, la loi du plus fort allait s’imposer.

Mes souvenirs de cette période sont un peu flous. Quant à ceux qui ne le sont pas, je préfère ne pas en parler ; qu’ils restent donc enfermés dans ce cube de béton, ce tombeau. Les morts appartiennent aux morts, et j’espère de tout mon cœur encore appartenir aux vivants, même si les cauchemars qui me laissent peu de répit entretiennent un doute raisonnable quant à cette dernière affirmation.

J’ai quitté le bunker, ma dernière maison, à la mi-Novembre 2013. Nous étions deux, mais Jeremy est mort en chemin, si tant est qu’il soit vraiment mort. Non, il est probablement quelque part à grogner en cherchant de la chair fraiche, sauf si la faim a eu raison de lui. Le 4x4 a rendu l’âme quelque part aux environs de la frontière entre l’Iowa et de l’Illinois, me poussant à me rapprocher plus que je n’en aurais eu envie des coins habités. Les survivants, les rares qui possèdent encore tous leurs membres, n’ont pas l’air tellement plus vivants que les morts.


Annie a mis près de quatre mois à atteindre Heaven’s Land, où elle espère retrouver sa sœur Olivia, n’ayant pas encore connaissance de ce qui arrive ou risque d’arriver aux gens qui sont du groupe O comme son aînée. Elle vient d’atteindre la zone saine, trop maigre et hagarde. Elle ne sait pas si son père est toujours en vie – elle refuse d’y penser, les cauchemars sont trop vifs.

derrière l'écran

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